Chapitre 1
LES PRINCIPES FONDAMENTAUX
La direction de l’enquête par l’autorité judiciaire
La police judiciaire s’exerce sous le contrôle des magistrats qui en assurent la direction effective.
L’enquêteur a l’obligation de rendre compte de ses investigations au magistrat du parquet ou du siège, selon le cadre juridique de l’enquête, pour solliciter du magistrat compétent les instructions et les autorisations nécessaires à son enquête.
L’enquêteur a l’interdiction de solliciter des instructions d’autres personnes : « les officiers de police judiciaire, à l’occasion d’une enquête ou de l’exécution d’une commission rogatoire, ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire dont ils dépendent » [Art. R2-16 du Code de procédure pénale].
Le respect de la présomption d’innocence
« Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte » [Art. 9-1 du Code civil].
« L’atteinte à la présomption d’innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement » [Civ. 1re 19/10/1999 N° 97-15.802].
Cette notion est affirmée dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale : « toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi ». Il n’existe toutefois pas de délit d’atteinte à la présomption d’innocence.
Ce principe, à valeur constitutionnelle, est exprimé par l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi »).
La réparation éventuelle d’une atteinte à la présomption d’innocence peut être obtenue devant une juridiction civile ou administrative.
En matière de presse, la Cour de cassation recherche s’il se dégage de l’ensemble de l’article une impression manifeste de culpabilité : « l’atteinte à la présomption d’innocence suppose que l’écrit litigieux contienne des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée » [Civ. 1re 12/07/2001 N° 98-21.337]. Tel n’est pas le cas lorsque « ces écrits ne contenaient pas de conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité », l’analyse de l’article ne montrant pas un « parti pris anticipant de ses certitude l’issue de l’instance pénale en cours » [Civ. 1re 06/03/1996 N° 93-20.478].
Signalons l’existence d’une immunité du compte rendu judiciaire : « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux » [Art. 41 de la loi du 29/07/1881].
L’immunité joue lorsque « les articles relataient objectivement les débats devant la cour d’assises, sans appréciation personnelle du journaliste sur la personnalité des accusés, que l’auteur des articles avait souligné les insuffisances de l’accusation, et qu’il n’était pas établi par les demandeurs que le journaliste aurait publié des informations inexactes dans l’intention de leur nuire ou avec une légèreté blâmable » [Civ. 2e 08/03/2001 N° 99-14.995]. La solution a été contraire car « les articles incriminés, concernant la mise en examen de M. Y…, chirurgien, à propos des suites d’une opération chirurgicale, mentionnaient un rapport d’expertise présenté comme “accablant” pour ce praticien, dont les soins seraient selon ce document défectueux au point de justifier, compte tenu des conséquences subies par la victime, une condamnation pénale dont le principe apparaissait comme évident, “le juge qui dirait le contraire ne pouvant que se tromper” ; que de ces énonciations la cour d’appel a exactement déduit que les écrits litigieux comportaient des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée, et portaient atteinte à la présomption d’innocence dans les conditions prévues par l’article 9-1 du Code civil » [Civ. 1re 02/05/2001 N° 99-13.545].
Pour des poursuites contre un procureur de la République, rapportées par la presse, la Cour de cassation a estimé qu’il n’était pas porté atteinte à la présomption d’innocence par l’un des articles qui « se plaisait à souligner la discordance entre le discours public de l’intéressé et le comportement rapporté » car il ne contenait pas de « conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité » [Civ. 1re 20/02/2007 N° 05-21.929] alors que les autres articles sur le même sujet « qui ne retenaient aucun élément à décharge ni aucun usage du conditionnel, contenaient des conclusions définitives tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée » et portaient ainsi atteinte à la présomption d’innocence [Civ. 1re 20/02/2007 N° 05-21.541].
A l’occasion d’un licenciement de salarié (sanctionné pour des faits identiques à ceux figurant dans une procédure pénale n’ayant pas donné lieu à poursuites), la Cour de cassation affirme l’indépendance de la procédure disciplinaire par rapport à la procédure pénale : « Attendu cependant que le droit à la présomption d’innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable, avant condamnation, d’une infraction pénale n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une […]